L’Association Camerounaise des Arbitres de Football (ACAF) a lancé une grève le 21 Avril 2025. Elle réclame le payement d’indemnités dues à ses membres à partir de 2021. Le montant cumulé de ces primes s’élève à 300 Millions de Francs CFA. Le président de l’ACAF Alioum Sidi s’est exprimé sur la question. Au micro de la télévision en ligne Naja TV, l’ancien arbitre international explique l’attitude de son association. Il décrit la difficile situation que vivent les arbitres camerounais depuis près de quatre ans. Une situation précaire qui les expose à la corruption. Dans cette interview, le leader associatif accuse les responsables de la Fédération Camerounaise de Football de Football en charge de l’arbitrage d’incompétence et de méchanceté.
Morceaux choisis :
« Nous aimons toujours le président de la Fédération Camerounaise de Football. Nous l’aimons parce que c’est un grand sportif. On doit le respecter. Mais dans notre compartiment qu’est l’arbitrage, ça ne va pas »
« Ce qui ne va pas, c’est que les gens ne prennent pas au sérieux ce qu’on appelle le métier d’arbitre. C’est gens ne savent pas exactement ce qu’est un arbitre. On leur a donné des postes à la fédération. Ils n’ont pas ce que nous avons, qui savons ce qu’est un arbitre. Est-ce qu’ils réfléchissent ? Est-ce qu’ils sont venus pour l’amélioration ou bien même le développement de l’arbitrage camerounais ? J’ai réfléchi, j’ai cherché à savoir si ces gens qu’on a nommés au-dessus de mes arbitres connaissent ce qu’on appelle arbitres ? Mais trois années se sont écoulées et je me rends compte qu’ils ne le savent pas. Apparemment ils sont venus jouer. Ils ne sont pas venus aider les jeunes arbitres, former les arbitres, nous remplacer parce que nous avons vécu »
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« Chaque fois qu’on pose la question à la fédération, ils nous demandent d’attendre parce qu’ils sont en train de travailler sur les arriérés des arbitres qu’ils vont payer. Ils accumulent 3, 4 ou 5 journées sans payer. Mais quand ils payent une fois, les arbitres constatent que c’est même une journée de l’année surpassée qu’ils ont payé, que ce n’est même pas une journée de 2024-2025 »
« C’est exagéré actuellement. A l’heure où je vous parle, je vous jure qu’il y a des arbitres qui ont 25 journées sans être payés. Je dis déjà que nous n’avons jamais vécu cela. J’ai fait l’arbitrage ici au Cameroun, je suis à six coupes du monde toutes catégories et neuf coupes du monde toutes catégories. Je sais ce qu’est un arbitre au niveau international. Quand les gens ne veulent pas respecter ces arbitres, je ne suis pas content. Je ne peux pas être content »
« Il y a des arbitres qui dorment dans les agences de voyage ici à Yaoundé parce qu’ils ne savent pas comment continuer ni où dormir. Ils ont l’argent qui ne suffit par exemple que pour aller jouer un match. Mais ils se rendent compte que quand ils payent l’hôtel cela réduit l’argent qu’ils ont. Ils sont obligés de dormir dans les agences de voyages par lesquelles ils sont arrivés. Les gens les filment même. Le matin, ils se rendent au stade. Pour quel rendement ? Nous n’avions jamais connu ça au Cameroun ! Nous recevions notre argent au départ de notre lieu de résidence. Tout, l’hébergement, la nutrition, étaient pris en charge. Nous voyagions tranquillement. Nous n’avions pas besoin de sentir même ce qu’on appelle présidents de clubs. Sous les présidents de fédération Tombi à Roko, Seidou Mbombo Njoya, les présidents de comités de normalisation, il n’y a jamais eu ça ! Aujourd’hui, un arbitre peut faire 10, 15 ou 25 matches sans être payés. Imaginez un peu ! Cet arbitre qui part de chez lui avec 10 matches, chaque fois que lui et d’autres ne sont pas payés, ils viennent ici à Yaoundé. Ou bien à Douala ou Bafoussam pour un match, ils n’ont même pas un franc. D’ailleurs il a emprunté de l’argent ailleurs. Dites-moi: dans ces conditions, si un président de club vous appelle en vous disant : « pardon, mon match-ci est très important, est-ce que tu peux faire quelque chose pour moi ? Je t’enverrai même 50 mille, 100 mille ou 200 mille ». C’est minable, mais ces arbitres sont obligés de prendre. Parce qu’ils savent qu’au retour, ils n’ont même pas un franc pour repartir chez eux. Quand j’imagine que quelqu’un va aller gâter un match pour 50 mille… Oh mon Dieu ! »
« Nous avons rencontré le secrétaire général de la fédération. Il nous a reçus à la Fédération. Nous avons posé notre problème, il nous a dit qu’il a pris note et que dans deux ou trois journées, ils vont essayer de payer les arbitres et que les choses vont changer. Mais on est surpris de constater que deux ans après rien n’a changé. Ça continue sans que nous sachions pourquoi. J’ai effectué des démarches par rapport à ces jeunes arbitres qui nous suivent. Parce qu’ils veulent être comme moi dans l’arbitrage »
« La semaine passée, je suis allé vers le président de la Fédération Camerounaise de Football, j’ai fait une petite note que j’ai déposé à la Fédération. J’ai pris la décharge que je lui ai envoyée dans sa messagerie privée. Parce qu’il n’est pas là. Il est à l’étranger. Je lui ai fait un message de sportif à sportif. Parce que l’heure est grave. Les petits frères me harcèlent. Ils ont 25 journées qui n’ont pas été payées. Ils sont à bout. Ils ne savent pas désormais comment ils feront pour se déplacer quand ils seront désignés. Et quand ils ne se déplacent pas, la commission des arbitres les frappe. Parce que ceux-là ne savent pas comment les enfants-là vivent. Si un arbitre ne se déplace pas, ils vont le sanctionner. Ces arbitres sont obligés d’aller emprunter de l’argent dans les quartiers. J’ai eu des collègues qui m’ont appelé pour des problèmes qu’ils ont eus à la brigade, au commissariat. Parce que ceux à qui ils ont emprunté de l’argent réclament leur argent et ils ne l’ont pas. Si un enfant a cette pression-là et qu’il vient pour jouer un match, il va prendre tout ce qu’on pourra lui proposer. Il gâte le match et repart »
« Ce n’est pas la Fédération Camerounaise de Football qui tue les talents de l’arbitrage. Ce sont la Commission Centrale des Arbitres et la Direction du Développement de l’Arbitrage. Ces gens-là ne savent pas ce qu’on appelle arbitre. Ils sont en train de gâter sans savoir. Et ça va rester comme ça ! Dans les compétitions internationales, on ne voit plus les arbitres camerounais. Ils ne se demandent pas pourquoi. Ils disent qu’ils ont de jeunes arbitres qu’ils vont promouvoir »
« Pour eux, c’est le bras de fer. Maintenant, comme Alioum Sidi a décidé de lancer la grève, ils vont lui montrer qu’il n’est rien au Cameroun, qu’eux sont à côté du président de la Fédération. Ils vont le faire. Ils vont décider et ils viennent me combattre. Je sais ce qui se passe ! On comprend ! Parce que ceux-là, sont les qui ? »
« Pourquoi ils ne nous demandent pas, ne nous appellent pas ? Qu’est-ce qui se passe ? On ne comprend pas ! Nous ne sommes pas là pour gâter le football camerounais. Impossible ! Je suis un sportif ! Ces jeunes arbitres souffrent. Ils sont dans les cellules. Un de mes frères a dû vendre son téléphone pour pouvoir financer son voyage ! Il avait même dormi à l’agence de la compagnie de voyages qui l’avait transporté. J’étais dans tous mes états. »
Regarder l’intégralité de l’interview d’Alioum Sidi sur Naja TV ici